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Un autre saint, un autre village, Flobecq

Extraits des annales du CHER n° 5 - Ellezelles / Sept. 2004
(En vente au prix de 2 Euros)

Saint christophe à la ducasse d'AthSaint Christophe dit "Le Porte Christ" (Saint patron de Flobecq, fêté le 27.07. Le Saint y marche encore sur des échasses lors de la procession du dernier dimanche de Juillet )

(Ce sujet a fait l'objet d'une conférence donnée le 06.07.1997 à 15.00 h. à "La Grange", Mont à Ellezelles, par l'Abbé Albert Delcourt, ancien curé de Flobecq. Cette dernière a été résumée par un auditeur quelque peu attentif, à savoir; Claude Ledoux.)

Historiquement, de Saint Christophe, on ne sait pratiquement rien. La légende s'est emparée de sa vie comme il est courant dans les premiers siècles après notre ère pour les personnages hors du commun.

Dans ces temps anciens, la vénération des reliques était très importante. Les populations désiraient voir et toucher les restes des saints ou ses représentations afin d'être protégées et d'exorciser le mauvais sort. Christophe aurait vécu en Asie Mineure dans une région où fleurissait la langue grecque. En grec "Christophoros" signifie porteur de Jésus-Christ. Or tout chrétien devrait porter le Christ. C'est pourquoi ce saint fut si vénéré.

D'après la légende, Christophe serait un passeur; il aurait été martyrisé. Dès le Ve siècle, on trouve les premières traces de saint Christophe dans les églises et les martyrologues de la Chalcédoine, située au nord-ouest de l'Asie Mineure et colonisée par les Grecs. Les archéologues ont découvert le long de la mer de Marmara une chapelle, datant de 452, et déjà dédiée à St Christophe. La légende de ce dernier est contée dans le livre extraordinaire "La Légende Dorée" des Saints. L'histoire et les archives nous apprennent que le culte de saint Christophe, d'abord originaire d'Asie Mineure, va se développer le long de la mer Méditerranée vers l'Espagne et, au VIe S., le pape St Grégoire en fait déjà mention dans une lettre. Un monastère situé près de Cordoue est d'ailleurs consacré à Saint Christophe. Comme plus tard à Flobecq, on y trouvait également les reliques du saint…

L'abbé Mariaule, qui a beaucoup écrit sur Saint Christophe, déclare (mais sans citer ses sources) que la comtesse Marguerite de Constantinople (qui fonda l'hôpital Notre-Dame à la Rose de Lessines) aurait donné des reliques de ce saint, provenant d'un évêque allemand, à l'église de Flobecq en 1260. Cette noble dame a d'ailleurs fait un don important en 1250 à la fabrique d'église de Flobecq pour la restauration de l'église. Une chapelle fut donc construite pour abriter ces reliques. On trouve confirmation de ces dires dans le "Veil Rentier d'Audenarde" (environ 1276 - 1280 ), édité par Léo Verriest, historien spécialiste du Moyen-Age. On y trouve la mention suivante : "Gilles li Boutillier cultive 14 journaux de terre sous le Saint-Christophe. C'était le Saint-Christophe et des reliques" (folios 43 verso et 44 recto ).
L'ancien chemin d'Ogy, passant à l'emplacement de la poste actuelle de Flobecq et derrière les maisons de la place, continuait derrière le chœur de l'église Saint Luc vers la rue de la Cure. Saint Christophe est devenu ainsi le patron secondaire de la paroisse de Flobecq. On trouve encore dans les archives locales qui ont été étudiées par Gosalès Descamps, un document, daté de 1373, qui parle des terres de St Christophe avec vénération des reliques :"St Christophe tient 74 verges", situées derrière la chapelle en l'église de Flobecq. D'autre part, dans un bréviaire et le missel de Cambrai, datant du XIIIe S. (la région était rattachée à ce diocèse) , on trouve déjà l'invocation : (Christophorum Videas… "Regarde Saint Christophe et va-t-en rassuré")

Anciennement, les pèlerins attachaient énormément d'importance à la vue de la statue; pour obtenir de grandes dimensions, elles devaient donc être confectionnées dans des arbres entiers, comme celle de 3,30 m de l'église de Flobecq.

Jadis, au début de leur travail, les bûcherons de La Houppe se hissaient en haut des arbres et regardaient l'église de Flobecq: s'ils y réussissaient, ils étaient convaincus de ne pas mourir ce jour là. On invoquait également Saint Christophe lors de la menace d'un temps orageux, lors des épidémies et pour éviter les accidents naturels. La légende veut aussi que ce saint, étant un passeur, soit une aide pour les voyageurs. C'est pourquoi, les fermiers et les châtelains y avaient recours et venaient faire bénir leur chevaux lors de la célébration de sa fête. Actuellement de nombreux motocyclistes, automobilistes, cyclistes et voyageurs divers viennent encore recevoir la protection du saint pour se prémunir des accidents de la route.
La coutume d'honorer l'image du Saint est postérieure au XIIIe siècle. On voit peu à peu des statues et des tableaux portés dans les processions notamment à Ath et à Flobecq. Dans un livret intitulé "Pélerinage à Saint Christophe" dû à la plume de l'abbé Mariaule, on note qu'il existe en Belgique une quinzaine de paroisses où ce saint est honoré.

A Flobecq, on commence à monter Saint Christophe sur des échasses au milieu du XVIIIe S. (un écrit daté de 1746 en fait mention). Mais déjà auparavant, Anvers en possédait un monté sur échasses.

La fête de ce saint a lieu fin juillet et à Flobecq, elle se déroule le 4ème dimanche de Juillet. On note à Flobecq deux restructurations de la "Confrériede Saint Christophe" : en 1929 et en 1947. La dernière confrérie avait pour président Odilon d'Harveng et pour secrétaire Solange Goeffers qui tint, jusqu'en 1970, un carnet répertoriant les membres et leur cotisation.

Au XIXe s., cette fête avait une grande importance dans le village de Flobecq. Déjà le Samedi, les ménagères pétrissaient des gâteaux et réalisaient des tartes à maton. Le clerc hissait à mi-hauteur de la flèche de l'église un sapin (épicéa) provenant du bois de La Houppe, qu'il passait par la trappe rectangulaire appelée "les maronn'dou clèr". Un kiosque avec colonnes toscanes (provenant des ruines de l'église) était monté près du portail latéral de l'édifice religieux.

Le jour de la fête, les cloches sonnaient de bon matin; les chevaux descendaient alors vers la place guidés par les varlets des fermes qui participaient à la grand-messe et à la procession. Cette dernière était ouverte par 4 trompettes habillés de vert; venaient ensuite les cavaliers, les bergères d' Everbecq et la société Saint Christophe dont les membres portaient un pantalon blanc avec ceinture rouge encadrant le saint sur échasse qui portait un chapelet au cou, une barbe de crin pendant jusqu'au nombril, une perruque d'étoupe de ton roux, une robe rouge sang, une culotte à pois bordée d'une petite dentelle. Le saint portait encore sur le dos l'enfant Jésus tenant une poupée qui tenait le monde dans la main droite tandis que la gauche distribuait aux pélerins des bénédictions attachées à des cordons. Cette société participait au cortège d'Ath où cette description du saint consignée, en 1902, dans un livre écrit par Henri Delcourt. Saint Christophe dialoguait avec une fillette et à chaque reposoir, la cantinière lui offrait un alcool réconfortant. Des tambours et des drapeaux encadraient les confréries d'Ogy, de La Hamaide, de Wodecq et d'Ostiches qui, également à chaque reposoir, faisaient le "lummchon" (limaçon). Participaient aussi à ce cortège, les "chuffloteu de Mayïau" (siffleurs de Mainvault, compagnie d'arbalétriers) qui sifflaient un air rythmé pendant les lummchons. On a retrouvé dans les archives d'Ath une lettre du Bourgmestre Ad. Nouille, datée de 1850, signalant aux organisateurs du cortège d'Ath que la confrérie Saint Pierre-aux-Liens d'Ellezelles était désireuse de participer à leurs réjouissances mais qu'elle n'y avait pas été officiellement invitée…

Encore début Xxe s., la fête de Saint Christophe réunissait une grande foule sur la place de Flobecq. Les pélerins venaient à pied, au train, en tram, en char et à cheval. De nombreux reposoirs abondamment ornés, fleuris et décorés de feuillages- avec échelle pour saint Christophe étaient fabriqués le long du trajet de la procession (chapelle Degand consacrée à St Christophe) à la Croisette, grand reposoir de l'Hospice, celui du "Blanc Moulin" et celui disposé dans le parc d'Odilon d'Harveng (habité actuellement par le vétérinaire Longeval). Afin de mettre bon ordre aux débordements intempestifs de 1908, on note dans le registre de la fabrique d'église St Luc de Flobecq, édicté en 1909, un ordre de la procession. "Le Sieur Charles Dubois fera l'appel et dans l'ordre établi".

Cavaliers, croix, enfants de chœur avec robes rouges, images de Ste Catherine, de Ste Barbe (avec la confrérie des mineurs). St Roch, St Eloi (quia encore sa statue en bois datant du Xve ou XVIe siècle), St Antoine, St Fiacre, Ste Cécile, Ste Vierge du hameau de La Planche, Ste Vierge du Géron, Ste Vierge du Quéniau, cavaliers, Ste Vierge de l'Arbrechau, Ste Anne de l'hammeau du Bois, chasse de St Christophe, vierge de la Place, anges (aux 3 couleurs) représentant la foi, l'espérance et la charité, la fanfare catholique "Ophéon", les jeunes filles portant les instruments de la passion et les enfants jetant les pétales de fleurs comme tapis de voirie, les porteurs de flambeau, le saint Sacrement, la gendarmerie en grande tenue (culotte en peau blanche, colback noir et fourragère) , les gardes-champêtres, la garde civique (qui tirait 4 salves de fusil à chaque reposoir).

Le tour de la procession était le suivant: place, chemin de la Crête, La Planche, la Croisette, bas de la côte du Gendarme, place. Lors de la rentrée les cloches Céline-Octavie et Gertrude-Albertine (emmenées lors de la guerre 40 ) sonnaient à toutes volées.
Les "Saints-Christophes" flobecquois les plus récents : René Goeffers, Blommaert, fils de Clément Blommaert et actuellement, en fonction, Jacky Triffin.
Cette fête avec procession peut être rattachée à l'antique tradition des "géants", aux cortèges romains de fécondité et aux rites ancestraux.

Claude LEDOUX

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